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Blog et actualité de la danse à Marrakech/Maroc
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28 mars 2015

le Festival on marche Par Rémi (ZwinUp); à bon entendeur :-)


Passionné de danse, j’assiste chaque année au Festival « On marche » comme un moment de grâce. J’aime le public, l’énergie qui y règne et chaque année révèle, parmi les spectacles, quelques bonnes surprises. Ce qui n’empêche pas quelques regrets…
Comme le Festival ne tient que par des subventions et que tous les spectacles sont gratuits, le festival n’est soumis à aucune contrainte de rentabilité. La programmation est consacrée à la seule danse contemporaine. Si la danse dite « contemporaine » est une démarche intéressante, exigeante, respectable, elle est souvent intellectuelle, élitiste, ennuyeuse, incompréhensible pour un public non initié. Il est dommage qu’un Festival qui a 10 ans d’ancienneté ne draine que 50 à 200 personnes par spectacle.
Il y a là une réalité politique contestable : comme bien souvent dans le domaine culturel, l’argent public est investi en priorité pour un public de privilégiés. Entre l’option folkloriste, traditionnaliste, passéiste du Festival des arts populaires où la danse est aussi présente, et, à l’opposé, celle de On marche, il y a pourtant la place pour un festival consacré à la danse, qui soit à la fois moderne et populaire, dans le sens le plus noble du terme.
L’en jeu de la danse n’est pas seulement celui d’une expression artistique, d’un loisir, comme la musique et la peinture. Nous sommes dans une société tiraillée entre son passif traditionnel et religieux, d’une part, et son désir de modernité, d’occident, d’ouverture, d’autre part. Hors, par la danse, il est aussi question de la liberté des corps, du rapport à l’autre, à l’intime, de la rencontre des hommes et des femmes…
J’ignore dans quelles mesures ceux qui portent ce festival assument ou revendiquent ce parti pris élitiste, mais il est clair que cette culture de l’entre-soi est lisible au travers de multiples choix.
- Les quelques excursions qui débordent du cadre stricto sensu de la danse sont des performances artistiques plus hermétiques encore.
- Les quelques spectacles en plein air présentés en plein air jusqu’à l’an dernier, ne cherchaient pas non plus à attirer un nouveau public puisqu’il s’agissait de spectacles amateurs, non aboutis. Si en 2014, Ziya Azazi (une star internationale de la danse derviche) a été programmé sur Jemaâ el fna, cela m’est apparu plus comme un alibi puisque présenté en fin de festival et donc aucunement susceptible de promouvoir le Festival.
- L’éclatement du Festival en différents lieux ne favorise pas non plus une réelle dynamique, une rencontre avec le public. Quiconque n’a pas entre les mains le programme complet n’est pas en mesure de suivre les différentes manifestations. Les contraintes de déplacement d’un lieu à l’autre posent en plus des contraintes de logistiques énormes.
- Parmi les danseurs programmés, si la plupart sont maghrébins, ils vivent essentiellement en Europe. Le festival porte une empreinte occidentale manifeste ; la culture occidentale privilégie l’intellect au dépend du corps, et la danse contemporaine en est une caricature.

Un Festival populaire, c’est possible.
Ici, les seuls moments possible pour la danse sont les mariages avec tout ce que  cela suppose de codes sociaux et traditionnels, et, pour les plus jeunes, de contrôle parental. A l’inverse, l’accès aux discothèques se fait à des prix rédhibitoires pour la plupart des jeunes de Marrakech ; de plus, ce sont des lieux de prédilection pour la consommation d’alcool et la prostitution, et donc directement en contradiction avec les interdits religieux. Un jeune marrakchi est toujours pris dans ce dilemme : tradition ou débauche…
Pourtant… A la fin des années 90, à chaque ramadan, un chapiteau était dressé au Jardin du Harti et plus d’un millier d’adolescents s’y pressaient pour danser du chaâbi et du hip-hop ; depuis quelques années,  les cours de danses se sont aussi multipliées ; l’envie et le besoin existent, c’est certain. Il faut juste engager une réflexion pour que le festival serve vraiment une évolution de la danse ici.

Pour un festival différent : festif, populaire et d’envergure internationale
En investissant un lieu unique avec cafétaria, installations, stands, espaces de rencontres, il serait possible de créer une plus forte dynamique, plus d’échanges entre les spectacles. Dar Attakafa me semble un cadre idéale pour cela. Cela n’exclurait pas que certains spectacles soient délocalisés, mais ce pôle central donnerait un cœur, une cohésion à l’ensemble.
Pour drainer un plus large public, il faut sans doute lui offrir, en premier lieu, les formes les plus participatives. Par définition, la danse est une pratique festive à partager ensemble. Il est regrettable de rester là  à regarder les autres bouger, qu’aucun bal ni battle ne soit organisé.
Pour amener un public nouveau vers la danse contemporaine, il faut d’abord lui présenter les expressions les plus accessibles. Le hip-hop, en particulier, qui est la danse des banlieues et donc portées par les beurs, a quitté son ghetto et offre aujourd’hui des passerelles multiples avec les autres formes de danse. Beaucoup de danseurs marocains qui pratiquent la danse contemporaine sont d’ailleurs passés par le hip-hop.
On marche est un des rares festivals de danse du monde arabe et d’Afrique(1). J’évoquais l’approche intellectuelle propre à l’occident de la danse contemporaine ; à l’inverse, l’Orient sait cultiver les sens, l’Afrique écouter le corps, et il est regrettable qu’un festival à Marrakech néglige ses racines et n’apporte pas plus sa contribution à la danse d’aujourd’hui.
A l’instar des Transmusicales à Rennes, qui joue le rôle de défricheurs de talents (Bjork, Stromae, Benjamin Clémentine… y ont été révélés), Marrakech, par sa situation et ses infrastructures, est le lieu idéal pour créer cette jonction Orient-Afrique-Occident, et constituer une sorte de vitrine du continent.
L’enjeu est aussi économique. Il est paradoxal que la danse au Maroc ne survive en partie que grâce aux subsides de la France ; il y a là un schéma post-colonial dont il faut s’affranchir. De plus, les contraintes financières de rigueur en Europe rendent précaires ce genre de financement. A contrario, produire ici est moins couteux. Des spectacles pourraient se vendre partout en Europe, contribuer au rayonnement du pays, et changer les préjugés européens sur le sud de la Méditerranée.
On marche fête ses dix ans.
C’est un beau parcours, le temps pour un bilan.
C’est peut-être le temps aussi, pour élaborer un nouveau projet et dessiner des perspectives pour les années à venir. En toute modestie, je dresse ici quelques suggestions :
-refonder, si nécessaire, le fonctionnement interne (un organigramme qui donne à lire le partage des tâches et responsabilités, une transparence financière pour une pleine confiance des partenaires et des bénévoles…)
- élaborer une vraie stratégie (les objectifs à atteindre, les financements à trouver)
- entreprendre un travail de terrain, local, autour de la danse (impliquer les salles de cours de danse de Marrakech en leur proposant un « salon » en début de Festival, impliquer les boites et les djs en suggérant un évènement discothèque en parallèle du Festival, impliquer une chaine de télé en produisant un spectacle diffusable en télé, impliquer les décideurs locaux en portant une vraie ambition pour la ville…)
- changer de logique économique (attirer du public, trouver des sponsors, rendre payants certains spectacles…)
- dénicher des talents : prospecter partout en Afrique et au Maghreb par échanges de vidéos
- organiser des compétitions (j’avais imaginé, à l’instar des matchs d’improvisation ou des country’s got talent, d’organiser des « speed dancing » avec des formats courts et la participation active du public dans la sélection finale)
- soutenir une réflexion de fond (thèses, collecte d’articles…) sur la danse orientale et en africaine
- organiser le reste de l’année des évènements ponctuels avec des concepts nouveaux (Jemaa el salsa, autour de la danse de parade avec Awaln’art,…)
- envisager des jonctions avec les arts du cirque, les arts vidéos, le monde de la mode…
- mieux communiquer (vidéos, site web… ) pour mieux vendre à l’avance le Festival, et garder la trace de ce qui a été produit en développant une plus grande collaboration avec l’ESAV
- démarcher et communiquer de manière continue, en Europe et en Afrique, auprès des ministères de la culture, centres culturels, organisateurs de festivals, médias spécialisés…
- distinguer dans le programme, les spectacles majeurs, aboutis, sur lesquels il importe de communiquer car il est possible d’y amener un public non averti, et les travaux en cours, qui ne peuvent intéresser qu’un public de danseurs, d’amateurs éclairés.
- produire des spectacles et les commercialiser
Quoiqu’il en soit, On Marche existe.
Et quand On marche, c’est pour avancer.


Rémi (ZwinUp)
Notes : petit coup d’œil sur l’expérience tunisienne, plus dynamique et plus impliquée sur les changements de société :
- Festival « Danser à Tunis »
- Rochdi Belgasmi revisite le patrimoine dansé
- La danse comme arme de résistance

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